La vie baroque entre science et fantaisie

Ce sont des décennies d'inventions techniques, de développements scientifiques et d'expériences de recherche florissantes qui marquent l'ère baroque à partir de 1600, comme le présente par exemple de manière impressionnante le Zwinger de Dresde dans le salon de mathématiques et de physique : du microscope au baromètre et au thermomètre, en passant par la lunette astronomique, la machine à calculer ou la pendule, jusqu'à la fondation d'importantes sociétés et académies et la création des premiers journaux savants. Mais en dépit de ce développement d'acquisitions techniques orientées vers l'utilité - ou justement pour cette raison ? - on assiste parallèlement à l'émergence d'un goût prononcé pour l'imagination fertile, le bizarre, la sensualité débordante et les énigmes. C'est surtout dans les cercles sociaux aisés de la cour que se déploient dans ce cadre des cortèges somptueux, des festivités débordant de sens et de charme et des œuvres d'art somptueuses, convoitées comme objets de collection attrayants. Le monde de la peinture est plus dramatique que jamais.

L'arc-en-ciel comme signe d'espoir et de paix

Peter Paul Rubens (1577-1640) est l'un de ces maîtres dramatiques de la peinture. L'artiste exécute ses images de paysages à grand effet, tantôt enrichis de figures mythologiques, tantôt avec des représentations idéalisées de la vie rurale, avec une technique brillante et par pur plaisir, surtout après l'acquisition de sa résidence de campagne Het Steen près de Malines. Le Paysage orageux avec Philémon et Baucis, conservé au Kunsthistorisches Museum de Vienne, est une œuvre particulièrement captivante, que Rubens a achevée en 1636 dans cette résidence de campagne. 

Illustration 1 : Peter Paul Rubens, Le paysage orageux avec Philémon et Baucis, 1620/25-vers 1636, huile sur panneau de bois, 147.1 x 209.6 cm, Kunsthistorisches Museum Vienne (Gemäldegalerie, 690).

L'accent est mis sur les puissantes forces de la nature, qui dominent la scène de manière menaçante sous forme d'orage, de tempête déchaînée et de fleuve en crue. Le couple Philémon et Baucis, assis à droite de l'image et à première vue insignifiant, observe avec les divinités Jupiter et Mercure la catastrophe qui s'annonce. Le petit arc-en-ciel formé par l'écume du fleuve en crue dans le coin gauche de l'image n'est pas immédiatement visible. Grâce à cette disposition et non à son apparition habituelle dans le ciel, il souligne symboliquement la situation dramatique : l'ordre naturel est soumis au chaos. Rien n'est plus comme il devrait l'être.

Rubens rétablit ensuite l'ordre dans le grand paysage arc-en-ciel de 1536 de la Wallace Collection :

Illustration 2 : Peter Paul Rubens, The Rainbow Landscape, vers 1636, huile sur bois de chêne, 137 × 235 cm, Wallace Collection Marylebone.

L'arc-en-ciel au-dessus du vaste paysage plat et idéalisé, avec vue sur les champs de blé, les prairies lointaines, les forêts mixtes et la création rurale, reprend la tradition des tableaux arc-en-ciel des époques précédentes : les hommes industrieux, vivant en harmonie avec la nature, sont reliés à la sphère divine par l'arc-en-ciel, symbole biblique de l'alliance entre Dieu et l'humanité, et peuvent accomplir leur travail quotidien dans l'espoir et la paix.

Peter Paul Rubens utilise son motif favori, l'arc-en-ciel, encore plus souvent utilisé, de manière imposante et parlante selon le contexte. Dans une version conservée à l'Ermitage de Saint-Pétersbourg, l'alliance entre Dieu et l'homme-nature-animal semble même être scellée à double titre :

Illustration 3 : Peter Paul Rubens, Paysage avec arc-en-ciel, 1630-1635, huile sur toile, 86 x 130 cm, Ermitage, Saint-Pétersbourg.

Jacob van Ruisdael (1628/29-1682), l'un des principaux protagonistes de la peinture de paysage hollandaise du 17e siècle, donne lui aussi un signe d'espoir. Il montre dans une atmosphère lugubre, sous un ciel sombre et menaçant, un cimetière juif au milieu d'une clairière entourée de ruines et d'arbres au bord d'une rivière. La mort, la décomposition et l'éphémère sont omniprésents. Seuls quelques rayons de soleil éclairent quelques formations nuageuses au-dessus des ruines et effleurent quelques tombes et sarcophages épars. Ensemble, l'arc-en-ciel qui apparaît dans le ciel gris à gauche et l'arrivée de la lumière du soleil donnent cependant des signes d'espoir dans cette région abandonnée. Un magnifique exemple d'œuvre de la peinture baroque, marquée par des contrastes et des dissonances flagrants.

Illustration 4 : Jacob van Ruisdael, Cimetière juif, vers 1655, 84 x 95 cm, huile sur toile, Staatliche Kunstsammlungen Dresden, Gemäldegalerie Alte Meister.

Arc-en-ciel au plafond

La peinture illusionniste des plafonds est une caractéristique passionnante et importante de l'art baroque. Les espaces architecturaux réels étaient niés au moyen d'une peinture tridimensionnelle raffinée (technique du trompe-l'œil) et redéfinis comme une architecture fictive. Il en résulte des illusions parfaites de voûtes célestes ouvertes entre des structures architecturales élégamment peintes, peuplées de nombreuses créatures (célestes) qui simulent la réalité. La vue du ciel imaginaire semble - du moins dans l'espace de l'église - donner à l'homme terrestre un avant-goût d'une sphère céleste surnaturelle, qui ne lui serait accordée qu'après la mort, et rend ainsi "visible l'invisible". Deux exemples de fresques illustrent le motif de l'arc-en-ciel, sa signification divine et son sens :

Illustration 5 : Paul Troger, fresque au plafond représentant Dieu le Père trônant sous un arc-en-ciel dans l'abbaye de Seitenstetten, 1741.

D'une part, la fresque du plafond de l'un des plus grands peintres du baroque autrichien, Paul Troger (1698-1762). Avec sa peinture illusionniste du plafond de l'abbaye de Seitenstetten en Basse-Autriche, il semble ouvrir le ciel aux visiteurs de l'église. Sous l'arc-en-ciel divin, réservé à cette sphère, Dieu le Père remet à l'agneau le livre aux sept sceaux, tandis que les 24 anciens se lèvent pour adorer Dieu.

Illustration 6 : Johann Baptist Zimmermann, fresque de la coupole avec le Christ sur l'arc-en-ciel dans l'église de pèlerinage de Wies (Wieskirche, Bavière), avant 1758.

Au centre de la fresque de l'église de pèlerinage de Wies, le Christ, juge du monde, est assis sur l'arc-en-ciel et non sur le trône vide et pompeux situé en dessous de lui. L'artiste Johann Baptist Zimmermann (1680-1758) reflète dans l'arc-en-ciel la promesse du Christ, qui se réfère à la porte du paradis peinte en face de lui, mais (encore) fermée, et y symbolise une fois de plus le lien entre le ciel et la terre.

Giambattista Tiepolo (1696-1770), quant à lui, parle de dieux, d'êtres allégoriques et de continents dans le ciel ouvert de manière illusionniste, avec l'arc-en-ciel, les cumulus et les êtres qui s'y ébattent et volent.

Illustration 7 : Giambattista Tiepolo, fresque au plafond de la salle du trône du Palacio Real à Madrid, 1762-1764.

Il ne s'agit pas ici d'un arc-en-ciel divin traversant le bleu du ciel, mais d'une structure colorée et réaliste que Tiepolo a positionnée par un tour de passe-passe artistique dans la fresque du plafond de la salle du trône du Palacio Real à Madrid. En effet, dans son œuvre tardive et raffinée des années 1762 à 1764, l'artiste a réagi pour des raisons esthétiques à la longue salle accessible de deux côtés. Il a ainsi divisé la scène du plafond en sections plus faciles à saisir et à lire, composées de scènes allégoriques et d'un récit sur la déesse de la mer Thétis, à l'aide d'un arc-en-ciel placé de manière décorative. Avec Tiepolo, nous nous rapprochons un peu plus de la peinture profane, qui considérait l'arc-en-ciel comme un phénomène météorologique et céleste.

Dans la prochaine partie de notre série de blogs sur l'arc-en-ciel, nous nous intéresserons à la période du siècle des Lumières. Comment les artistes ont-ils traité le motif de l'arc-en-ciel entre 1700 et 1800, lorsque la science et la pensée rationnelle marquaient les hommes ?