Le romantisme : l'art, la nature et le sublime dans les Alpes

L'époque du romantisme, qui s'étend de la fin du 18e siècle au milieu du 19e siècle, a eu un impact profond sur l'art, la littérature, la musique et la vision générale du monde en Europe. Au cœur du romantisme se trouvaient l'orientation vers la nature, la recherche de l'originalité et l'idéal d'un mode de vie simple et rural. Ces valeurs se reflètent clairement dans la manière dont tant les géraniums que le cor des Alpes ont pris de l'importance dans l'Oberland bernois et les Alpes à cette époque.

L'un des représentants les plus célèbres de cette époque est Caspar David Friedrich (1774-1840). Ses œuvres « Der Wanderer über dem Nebelmeer » (1818) et « Kreidefels auf Rügen » (1818) sont mondialement connues. Ses œuvres incarnent la nostalgie romantique de la nature intacte et du sublime. Elles représentent souvent des personnages solitaires qui regardent le monde, entourés de paysages majestueux. Ces représentations reflètent le romantisme, qui considérait la nature comme l'expression du divin et de l'infini. Bien que Friedrich n'ait pas peint de motifs alpins, son attitude correspond à ce que symbolisent le cor des Alpes et les géraniums : un lien profond avec la nature et le mode de vie simple.

Joseph Anton Koch (1768-1839) est un autre représentant de cette époque. Il a peint de nombreux paysages qui soulignent le caractère sublime et violent de la nature. Ses œuvres « Schamdribach-Wasserfall bei Lauterbrunnen » (1811) et « Heroische Landschaft mit Regenbogen » (1805), en particulier, montrent la beauté sauvage des Alpes suisses et incarnent l'idée romantique du caractère sublime de la nature. Ces œuvres sont directement liées à la symbolique du cor des Alpes, qui représente la voix des Alpes, et aux géraniums, qui incarnent l'intégration harmonieuse des habitations humaines dans la nature.

Rudolf Koller (1828-1905), un peintre suisse, est connu pour ses représentations détaillées et évocatrices de la vie rurale en Suisse. Dans ses tableaux, on voit souvent des animaux et des paysans travaillant dans le paysage idyllique des Alpes. Ses œuvres reflètent l'idéal romantique d'une vie simple et proche de la nature, qui s'exprime également dans la tradition des géraniums et du cor des Alpes. Koller souligne l'harmonie entre l'homme, l'animal et la nature, à l'instar de la symbolique portée par le cor des Alpes. Ses deux œuvres les plus célèbres sont « Gotthardpost » (1873) et « Der Rinderhirt » (1963).

Une œuvre magnifique de cette époque est à découvrir sur art24. Le tableau « Paysage avec animaux et personnages et vue sur Küssnacht am Rigi et le lac des Quatre-Cantons  (Landschaft mit Tier und Figurenstaffage und Blick auf Küssnacht am Rigi und den Vierwaldstättersee)» d'Anton Winterlin (1805 - 1894).

Les géraniums dans le contexte du romantisme

Le romantisme a idéalisé la vie à la campagne et une nouvelle appréciation de la beauté et de la simplicité de la nature a vu le jour. Les romantiques aspiraient à une vie en harmonie avec la nature et loin de l'industrialisation qui marquait de plus en plus les villes. C'est à cette époque que la tradition de décorer les maisons avec des fleurs a connu un essor particulier.

Le géranium, avec ses couleurs vives et sa robustesse, devint un symbole de l'idée romantique de l'idylle rurale. Il orne encore aujourd'hui les balcons et les fenêtres des chalets de l'Oberland bernois et a contribué à créer une image de virginité et d'harmonie rurales. La diffusion des géraniums dans cette région peut donc aussi être comprise comme l'expression de l'esthétique romantique, qui souligne le lien entre les hommes et la nature.

Mais d'où vient le géranium ? Les géraniums, en particulier les « pélargoniums », ont fait un voyage fascinant avant de devenir une partie intégrante de la culture alpine. Originaires d'Afrique du Sud, ces plantes sont arrivées en Europe au 17e siècle grâce aux navigateurs néerlandais et britanniques. Elles ont d'abord été appréciées dans les jardins botaniques et par les collectionneurs et collectrices fortunés, avant d'arriver dans les régions rurales comme l'Oberland bernois aux 18e et 19e siècles grâce aux relations commerciales et à l'amélioration des moyens de transport.

Au 19e siècle, la tradition de décorer les maisons avec des bacs à fleurs a commencé dans l'Oberland bernois. Ces jardinières étaient souvent plantées de géraniums rouge vif, qui convenaient parfaitement au climat alpin en raison de leur résistance et de leur longue période de floraison. Les géraniums sont rapidement devenus un symbole de l'idylle rurale et de l'attachement au terroir des Alpes. Aujourd'hui, les géraniums rouges sur les balcons en bois des chalets sont devenus une image typique et distinctive de la région, qui attire également les touristes et contribue à l'identité régionale. 

Ainsi, les plantes sont toujours des témoins de l'histoire coloniale et de la migration d'un endroit à un autre. L'artiste Uriel Orlow met en lumière la relation entre le géranium et la migration sous un angle passionnant. 

Le cor des Alpes à l'époque romantique

L'origine du cor des Alpes peut être retracée jusqu'à l'Antiquité, lorsque des instruments à vent similaires, fabriqués à partir de matériaux naturels comme des cornes d'animaux, étaient largement utilisés en Europe. Le cor des Alpes, tel que nous le connaissons aujourd'hui, a été mentionné pour la première fois dans des sources écrites au 16e siècle. Il servait de moyen de communication aux bergers des Alpes pour envoyer des signaux sur de longues distances afin de rassembler les animaux.

Au fil du temps, le cor des Alpes est passé du statut d'instrument purement pratique à celui de partie intégrante de la culture musicale alpine. Aux 18e et 19e siècles, il a été intégré à la musique populaire et a connu une redécouverte pendant la période romantique en tant que symbole de la pureté et de l'authenticité des Alpes. En Suisse notamment, où le cor des Alpes est aujourd'hui considéré comme un symbole national, il revêt une importance culturelle centrale. Il est joué lors d'événements officiels, de manifestations touristiques et dans la musique moderne, ce qui porte son importance bien au-delà des Alpes. 

Pour les romantiques, le cor des Alpes symbolisait l'originalité, la simplicité et la pureté du mode de vie alpin. Il incarne la nature intacte des Alpes, la vie simple des bergers et le lien profond avec le paysage.

L'œuvre de Ferdinand Hodler « Le garçon berger avec le cor des Alpes » (1887) montre un jeune berger jouant du cor des Alpes. Il souligne le lien entre l'homme et la nature, ce qui est typique de l'idéalisation romantique de la vie simple dans les Alpes. Bien que Hodler ait travaillé à l'époque du symbolisme, son œuvre s'inscrit encore dans la tradition du romantisme, notamment par ses représentations du paysage et de la culture suisses.

L'œuvre de Ludwig Schnorr von Carolsfeld « Alphornbläser vor einer Landschaft (env. 1830-1840) montre un joueur de cor des Alpes dans un paysage alpin idyllique, entouré de montagnes et de forêts.  Il représente le romantisme de la tradition musicale rurale et de l'environnement naturel.

Le romantisme comme élément unificateur

Le romantisme a contribué de manière décisive à ancrer aussi bien les géraniums que le cor des Alpes dans la culture alpine. Les deux symboles reflètent l'aspiration romantique à une vie en harmonie avec la nature. Alors que le géranium incarnait l'idéal esthétique de l'idylle rurale, le cor des Alpes représentait la force d'expression musicale du mode de vie naturel et authentique des habitants des Alpes. Dans l'ensemble, le romantisme a contribué à consolider la signification de ces symboles culturels et à les établir comme des éléments essentiels de l'identité régionale de l'Oberland bernois et des Alpes. Aujourd'hui encore, les géraniums et le cor des Alpes portent en eux l'idée romantique du lien avec la nature, de la simplicité et de l'authenticité.