Modélisation 3D de l'art et des biens culturels - Chances et difficultés du procédé

06.05.2024
Yvonne Roos

Les nouvelles techniques promettent de nouvelles possibilités. De nouvelles méthodes sont également utilisées pour la saisie et l'étude de l'art et des biens culturels. Dans ce contexte, la photogrammétrie est intéressante, car elle permet de générer des prises de vue numériques en 3D d'objets, ce qui permet potentiellement de reproduire physiquement ces numérisations. Cela ouvre de nouvelles opportunités passionnantes pour la conservation des objets historiques, mais pose également des défis.

La photogrammétrie en bref

La photogrammétrie est une méthode issue du domaine de la vision par ordinateur. Cette technique permet de reproduire des objets d'art sous forme de modèles 3D. Pour ce faire, on utilise une série de photographies numériques d'objets en 2D. Les prises de vue sont ensuite traitées à l'aide d'un logiciel. En photographiant un objet à partir d'une position donnée (emplacement de l'appareil photo) et sous plusieurs angles, la position et la forme sont calculées indirectement, ce qui permet une reproduction géométriquement exacte et tridimensionnelle. Plus le nombre de pixels d'un objet à la disposition du programme est élevé, plus l'objet peut être reproduit avec précision. Le procédé est souvent complété par d'autres techniques, comme le balayage laser ou les mesures radar, afin de générer des données supplémentaires. Il est ainsi possible de saisir des images, des reliefs, des sculptures, voire des pièces et des bâtiments entiers. Quelles sont donc les chances de reproduire des biens artistiques et culturels sous forme de numérisations 3D, voire de modèles génératifs 3D, et quelles sont les difficultés qui en découlent ?

 

Opportunités offertes par la photogrammétrie

La photogrammétrie ouvre la voie à de nouvelles connaissances et permet d'aborder le passé de notre histoire culturelle sous un angle nouveau. Dans le domaine de la recherche, ce procédé présente le grand avantage d'être plus efficace et moins coûteux que d'autres méthodes. En effet, les modèles qui étaient jusqu'à présent souvent produits dans le cadre d'une fabrication industrielle étaient beaucoup plus chers et compliqués à fabriquer en raison des faibles quantités et des pièces individuelles spécifiques. De plus, les frais de transport onéreux et la logistique complexe sont supprimés. Une fois les objets saisis, leurs données peuvent être recalculées à tout moment et complétées par d'autres images. Ainsi, les modèles numériques peuvent être étendus sans problème en cas de nouvelles découvertes. Cela signifie également que le temps de préparation et de planification lié à un voyage ainsi que les frais de déplacement sont réduits, car les objets ne doivent plus obligatoirement être explorés sur place. L'analyse se fait ainsi confortablement depuis l'ordinateur, sans perdre le contexte spatial.

La visualisation numérique apporte de nouvelles connaissances, car elle permet notamment de mieux comprendre les objets volumineux dans leur ensemble. De plus, grâce à la précision et à la visibilité des objets, la technique rend souvent visibles des caractéristiques de surface qui échapperaient à l'œil nu ou qui ne seraient visibles que sous une certaine incidence de la lumière. C'est le cas, par exemple, des graffitis gravés sur les murs. Le contraste avec le mur a diminué au fil des années, en raison de la poussière ou de l'usure. Toutefois, la caméra reconnaît les creux et peut les visualiser. Le procédé est également utile pour les objets difficilement accessibles, car il peut être utilisé à distance, notamment lorsqu'ils sont intégrés dans un contexte spatial. Pour les objets bidimensionnels tels que les peintures, des orthophotos sont générées, une reproduction de la surface de l'image avec une précision géométrique maximale. Le coup de pinceau est ainsi saisi topographiquement et plastiquement et peut être analysé avec précision. C'est un grand avantage pour la recherche de dommages ou de fissures dans l'image. Il est également possible d'en tirer des connaissances sur les procédés techniques de fabrication. La photogrammétrie permet également de reproduire des espaces entiers avec leur texture (couleur) sous forme de modèle numérique 3D. En soustrayant la texture, il est même possible de voir "sous la texture". La forme topographique du support est ainsi mise à jour, ce qui permet de détecter les dommages sans devoir réellement enlever la surface. Les structures sous-jacentes en disent en outre long sur l'histoire de la construction et de la fabrication. Mais il est également possible de mesurer les changements lors du retour d'un objet emprunté. Il suffit de photographier à nouveau l'objet et de le comparer avec les clichés précédents. L'objet concerné peut ainsi être restauré de manière ciblée et précoce.

Les bases de données numériques permettent en outre de comparer facilement les objets saisis. Par conséquent, différentes hypothèses peuvent être testées et discutées. Mais la réunion de fragments sous forme de reconstruction numérique, basée sur un logiciel, devient également une réalité. Ces possibilités permettent donc d'avoir une vue d'ensemble plus complète de l'objet détruit, ce qui rend l'état des connaissances plus complet. Les nécropoles égyptiennes, dont les éléments sont généralement dispersés dans le monde entier dans les musées les plus divers, mais aussi les fresques endommagées de la tombe de Séthos Ier dans la vallée des rois, sur lesquelles se penche notamment l'égyptologie de l'université de Bâle, en sont un exemple. Les tombes ont été massivement endommagées, surtout à la suite de l'"égyptomanie". Les "groupes de recherche" de l'époque ont tenté de copier les peintures, voire de découper des éléments de paroi entiers, au moyen de ce que l'on appelle des calques. Très souvent, ces derniers se brisaient lors de cette entreprise douteuse et restaient fragmentés au sol. Les éléments individuels brisés sont aujourd'hui photographiés et réassemblés grâce à des moyens de comparaison numériques. Ils peuvent ainsi être rendus visibles dans leur état d'origine et fournir des informations supplémentaires sur l'ensemble de l'œuvre. Ces données peuvent donc être utiles pour les restaurations ou les reconstructions. Avant d'intervenir sur la surface originale proprement dite, il est possible de tester différentes variantes grâce aux scans 3D. Les interventions de restauration sont aujourd'hui réduites au minimum et ne sont effectuées que si des clarifications suffisantes ont été faites. En effet, il s'agit toujours d'une intervention qui entraîne la perte ou la falsification d'autres informations.

Ce n'est pas la seule raison pour laquelle la documentation est essentielle. La génération et la collecte de données signifient que les œuvres d'art peuvent être archivées numériquement. En cas de destruction, les objets pourraient à l'avenir toujours être observés et reconstitués en trois dimensions dans l'état dans lequel ils ont été photographiés. Les dimensions, les couleurs et les formes exactes sont transmises, de sorte que les objets d'art et de culture détruits peuvent théoriquement être reproduits physiquement. Pour en savoir plus sur l'art détruit, consulte le blog art24 "Reconstruction 3D de l'art, des biens culturels et du patrimoine culturel détruits". Les reconstructions numériques permettent donc de produire rapidement, facilement et à moindre coût des reproductions physiques, des répliques ou des compléments partiels. Celles-ci sont réalisées à l'aide d'une imprimante 3D ou d'un fraisage CNC. Dans le contexte des expositions et de la médiation, ce procédé offre également des approches nouvelles et créatives. Ainsi, les modèles peuvent être mis à disposition en ligne ou présentés dans des expositions sous forme de copies 3D réalisées ; il est ainsi possible de les toucher, ce qui serait impensable avec un original.

L'égyptologie de l'Université de Bâle collabore depuis des années avec la Factum Foundation Madrid et la "Theban Necropolis Preservation Initiative" (TNPI), l'équipe égyptienne formée et dirigée par la Factum Foundation. Ces derniers ont achevé cette année le relevé de l'ensemble de la tombe de Séti Ier. Cela fait donc 21 ans que Factum a commencé à travailler en Égypte. Il s'agit d'une performance remarquable. Grâce à cette collaboration, une exposition a été organisée en 2017 au Musée des antiquités de Bâle. Grâce à des scanners 3D et à d'autres méthodes techniques, l'équipe a reconstitué des parties du tombeau rupestre de Séthos Ier sous forme de fac-similés exacts et les a intégrés dans l'exposition "Scanning Sethos. La renaissance d'une tombe de pharaon" (2017). La remarquable salle à colonnes E ainsi que le "Hall of the Beauties" ont été reproduits à l'échelle 1:1. 

 

Image 1: Vue de l'exposition "Scanning Seti : la renaissance d'une tombe de pharaon" (29 octobre 2017 - 06 mai 2018) au Musée des Antiquités, Bâle. Fac-similé de la salle de la colonne J, réalisé par Factum Foundation, photo : © Oak Taylor-Smith pour Factum Foundation.

 

D'une part, des éléments ont été reproduits dans leur état actuel, mais d'autre part, des essais de reconstruction ont été entrepris, ce qui a permis aux visiteurs de découvrir les deux possibilités de la modélisation 3D. Ils ont ainsi pu avoir un aperçu des témoignages du passé sans avoir à se rendre réellement en Égypte. Cela est particulièrement bénéfique pour les tombes originales, car cela permet de réduire l'afflux de touristes et de limiter les dégâts. Aujourd'hui, la tombe complète peut également être visitée virtuellement. Les fac-similés devraient à l'avenir être exposés à côté de ceux de la tombe de Toutankhamon, qui ont été installés en 2014 à l'entrée de la Vallée des Rois en tant qu'exposition en plein air.

 

Image 2: Détail du mur ouest de la salle I, tombe de Seti I. Représentation ombrée des données de surface acquises avec le scanner 3D Lucida, photo : © Factum Foundation | Theban Necropolis Preservation Initiative for the Ministry of Antiquities, Egypte.

 

Image 3: Détail du mur ouest de la salle I, tombe de Séti I. Données en couleur obtenues par photographie couleur, photo : © Factum Foundation | Theban Necropolis Preservation Initiative for the Ministry of Antiquities, Egypte

 

Image 4: Détail du mur ouest de la salle I, tombe de Seti I. Données de surface et de couleur, fusionnées, photo : © Factum Foundation | Theban Necropolis Preservation Initiative for the Ministry of Antiquities, Egypte.

 

Un autre avantage est que les objets très fragiles ou déformables peuvent être mieux protégés par la photogrammétrie. En effet, la méthode de prise de vue elle-même se fait sans contact et ménage donc les objets particulièrement sensibles. En outre, au lieu des originaux, les impressions peuvent être utilisées pour la recherche ou montrées et empruntées dans les musées et les expositions. Cela permet également de contourner le risque d'endommagement de l'original suite au transport. La photogrammétrie est donc une méthode éprouvée pour les reproductions d'art et les répliques de haute précision, à n'importe quelle résolution et avec un rendu précis des couleurs, et elle ouvre de nouvelles dimensions. Mais quelles sont les difficultés inhérentes à ce procédé ?

 

Les défis de la photogrammétrie

La photogrammétrie a aussi ses limites, ou plutôt ses difficultés. Par exemple, les prises de vue photographiques peuvent fausser l'aspect réel d'un objet et donc son effet. La couleur de l'objet dépend de l'éclairage, mais aussi de la qualité de l'appareil photo ou du scanner. C'est pourquoi il est souvent nécessaire de corriger les couleurs à l'aide d'un logiciel de traitement d'image. Comme nous venons de le voir, l'exposition à la lumière est un problème. Certains matériaux ont souvent un aspect différent lorsqu'ils sont observés dans certaines conditions d'éclairage. Cela signifie que l'éclairage ambiant doit être adapté ou qu'il doit l'être au prix de quelques efforts et d'un bon équipement. Mais la lumière est alors une mise en scène artificielle. La photographie en soi n'est pas non plus toujours facile, surtout lorsqu'il s'agit d'objets in situ. Ainsi, un objet avec une surface réfléchissante est difficile à photographier en plein soleil et l'effet visuel d'un objet change également lorsque les conditions d'éclairage changent constamment. C'est pourquoi un seul réglage de la lumière ne suffit souvent pas à restituer avec précision tout l'effet d'un objet. Dans l'idéal, le contexte lumineux historique d'un objet doit être connu si l'on veut restituer une impression authentique. Cela signifie que différents scénarios d'éclairage doivent être enregistrés, notamment si l'objet a été exposé à certaines variations de lumière ou à certaines situations. Malgré certaines difficultés, il y a aussi des avantages. En effet, même une lumière qui n'existait pas historiquement peut donner un aperçu passionnant et révéler de nouvelles connaissances. Dans les programmes d'application, la lumière peut même être modifiée, ce qui permet d'observer un objet sous différentes conditions d'éclairage ou au moyen d'une simulation de lumière. Pour une transparence didactique, il faudrait donc théoriquement aussi expliquer les informations lumineuses et leur contexte lors de l'observation.

Un autre problème est que tous les objets ne peuvent pas être numérisés sans difficulté, car ils doivent remplir certaines conditions. L'objet à numériser doit posséder des caractéristiques marquantes afin de pouvoir établir des points communs entre les différentes images de la série. Les formes trop complexes ne conviennent pas, car les endroits difficiles d'accès ne permettent pas de saisir l'œuvre d'art à 100 % et demandent beaucoup de travail. Le procédé atteint ses limites, en particulier lorsque l'objet de la prise de vue présente des motifs récurrents, des formes qui se chevauchent ou des structures peu significatives, comme une surface blanche et uniforme. Outre la forme, la couleur, certains matériaux et la texture de la surface conviennent plus ou moins bien. Ainsi, les objets mats sont plus faciles à photographier que les matériaux translucides et brillants. Les matériaux transparents comme le verre, l'émail ou les matériaux cristallins sont jusqu'à présent impossibles à photographier. Les objets en tissu ne conviennent également que partiellement, car ils sont déformables et le résultat est donc constamment faussé. Le résultat dépend donc toujours de la taille, de la forme et des propriétés optiques de l'objet à photographier.

La matérialité lors de la fabrication de modèles réels par prototypage rapide représente également un défi si l'on veut obtenir une copie aussi précise que possible. En effet, les machines utilisées n'offrent pour l'instant qu'un certain choix de matériaux : plastique, métal, plâtre, cire, verre acrylique, résine synthétique ou thermoplastique. Tous les objets ne sont donc pas adaptés à la réalisation d'une copie. De plus, les imprimantes couleur sont encore relativement chères.

Mais les conditions climatiques rendent également le travail photogrammétrique difficile sur place. Ainsi, la fenêtre de temps est souvent limitée en raison de la chaleur et de l'humidité dans les tombes. Les données doivent donc souvent être analysées indépendamment du lieu, ce qui peut influencer l'interprétation lors de l'examen. En effet, la découverte directe d'objets reste importante pour la recherche. De plus, toute technique doit être mise en place à grands frais, notamment dans le cas des nécropoles, car elles se trouvent en bordure du désert.

Bien entendu, les institutions doivent également répondre aux questions relatives au type et à la sécurité du stockage à long terme ainsi qu'à l'archivage des données générées. Cela va également de pair avec la question de l'empreinte écologique, car le stockage des données consomme beaucoup d'énergie. Dans ce contexte, un autre point de discussion est également le droit d'auteur des données d'images et des modèles, qui doit toujours êtr